Chers amis,

une année a passé.

Il y a eu le monde d’avant, il y a le monde de pendant, et il y aura le monde d’après.

Abstraction faite du vocabulaire technologique que nous utilisons tous le plus naturellement du monde au XXI ème (même Papiche, c’est dire), l’analogie avec un épisode historique que nous célébrons chaque année revêt cette fois un sens tout particulier. Sur ce chemin qui les sortit d’Égypte à travers quarante années d’exode vers la Terre promise, j’entends encore l’écho de l’un de vos (très) lointains aïeux expliquant à mon (très) vieil ancêtre:

« Tu te rends compte Aron (*), on ne peut plus continuer ainsi. Cela fait peut-être douze mois que nous les Hébreux, errons dans le désert et jamais de la vie nous arriverons au bout de cet interminable cauchemar. Chacun d’entre nous se lasse un peu plus chaque jour de ce qu’on nous avait promis la main sur le cœur, rien ne ressemble plus à un paysage désolé que celui que nous avons déjà traversé hier, cet endroit nous offre bien moins que ce que nous pouvions faire pousser au bord du Nil et les pains azymes, ça commence à bien faire (**).

Même certains d’entre nous – de jeunes gens sans cervelle je te l’accorde – se permettent d’organiser un prétendu carnaval afin de se « changer les idées » et défier la plus haute autorité de notre peuple.

Si jamais le Pharaon et ses armées nous rattrapent, c’en sera fini de nous. D’ailleurs les jeunes n’ont pas complètement tort non plus, Aron, je me demande bien comment nous allons procéder en arrivant devant la Mer Rouge. Les miracles, c’est bien connu, ça n’existe que dans les contes pour enfants, même la petite Dalva sait cela…

Comme beaucoup de gens de ma génération, je finis même par me demander si ça n’était pas mieux avant, en Égypte ».

Bien sûr chers amis comme vous pouvez le constater, ces faits rapportés font partie de la tradition orale de notre très ancienne famille Finkelsztajn, et je ne garantis pas complètement leur entière exactitude. D’ailleurs par exemple, après avoir évoqué une n-ième fois cette histoire avec Papiche, je ne m’explique toujours pas comment cette conversation avait pu avoir lieu en Yiddish…

En revanche, une chose est certaine dans l’analogie avec notre époque: le monde de demain arrivera à un moment ou un autre, et nous pourrons tous enfin tourner la page de cet épouvantable tragédie planétaire, soyez en certains.

Mais revenons à ce qui nous intéresse cette semaine: la fête de Pessah samedi 27 mars au soir et ce que nous allons pouvoir déguster, même si cela se passe en petit comité comme l’année dernière.Nos petits pains à la farine de matzot «Matzebrotjes», notre gefilte fish, nos harengs gras, nos kneidleh et mandlen pour le bouillon, nos entrées: foie haché, nos caviars: d’aubergines, de poivrons, d’olives, notre tarama, etc… nos charcuteries: pickel fleich, pastrami, dinde fumée d’Israël, saucisson à la graisse d’oie, gendarmes, cornichons du tonneau et raifort.Nos spécialités sucrées: aux amandes bien sûr, nos célèbres macarons, croissants, croquets, et babka, mais aussi nos autres macarons à la noix de coco, nos pâtisseries spécifiques au matzemehl ou à la fécule : lekeh au citron, au chocolat ou tout simplement nature, nos nombreuses variétés de petits fours, nos différents gâteaux au fromage, aux pommes et bien sûr nos fameuses madeleines de Pessah.

Vous comptant parmi mes plus fidèles clients, je souhaite que votre satisfaction soit parfaite et que rien ne manque à votre attente. Aussi, je vous suggère de nous communiquer vos commandes à l’avance afin que nous les tenions à votre disposition. J’espère avoir, cette année encore, le plaisir de vous apporter, avec toute mon équipe, les meilleurs conseils et la plus grande attention.

Dans l’attente de vous revoir, recevez mes chers amis, l’assurance de mes sentiments les plus dévoués.

Sacha Finkelsztajn.

(*): Comme certains le savent peut-être, Papiche se nomme Aron en hébreu. Ce qui prouve bien que dans notre famille comme dans toutes les familles juives, génération après génération, siècle après siècle, millénaire après millénaire, nous gardons la coutume bien ancrée de donner le nom d’un aïeul parti peu de temps avant une nouvelle naissance.

(**): Heureusement papiche (encore lui) inventera beaucoup plus tard les Matzebrotjes dans la célèbre rue des Rosiers.